Tous droits réservés

Expliquons la rigidité cadavérique

C’est un court chapitre que nous vous proposons puisqu’il va permettre de replacer ce qu’on vient de voir dans un cadre plus concret, autrement dit il n’y aura rien de nouveau. Si vous avez fait l’effort de lire jusqu’ici c’est donc votre récompense. :)

À la fin de la partie théorique il y aura quelques exercices sur l’ensemble de cette première partie ainsi que la correction détaillée.

C’est parti !

Finalement c'est quoi la rigidité cadavérique ?

On ne peut pas expliquer la rigidité cadavérique comme nous venons de le faire dans le chapitre 2, car un mort niveau activité électrique ce n’est pas trop ça hein ! Mais alors, d’où vient l’ordre qui dit aux muscles de se contracter durant cette rigidité ? La réponse est simple : il n’y a pas d’ordre, et effectivement, cela ne s’explique pas par l’intervention du système nerveux, naturellement non fonctionnel chez le mort.

Mais alors j’ai appris tout ça pour rien moi ?!!!

Mais non voyons ! Si nous vous avons fait apprendre ça c’est qu’il y a quand même un lien, vous allez voir.

Vous n’êtes pas sans savoir qu’étant vivant vous produisez de l’énergie. Nous n’allons pas vous redétailler tout, ce serait beaucoup trop long et ce n’est pas trop l’objectif du cours, mais pour faire simple cette énergie c’est essentiellement de l’ATP, vous avez dû vous en rendre compte en lisant le chapitre précédent, il revient souvent celui-là.

Pour faire de l’ATP en quantité suffisante, il faut du dioxygène, pour avoir du dioxygène il faut respirer, pour respirer il faut être vivant !

Après la mort on ne respire plus, on ne produit alors plus d’ATP et les réserves d’ATP s’épuisent rapidement après la mort. Et quand il n’y en a plus que se passe-t-il alors ?

Si nous revenons à notre cellule musculaire, nous vous avions dit que deux choses étaient indispensables à la contraction musculaire : du calcium et de l’ATP.

Premier paradoxe : le mort n’a pas d’ATP mais ses muscles se contractent quand même ?

En fait il n’y a pas de paradoxe. Pour le vivant l’ATP permet de décrocher la tête de myosine de l’actine et donc de ne pas tétaniser le muscle en le laissant contracté indéfiniment. Mais l’ATP est bien nécessaire dans le sens où il en faut pour amorcer d’autres contractions (donc il faut détacher la tête de myosine avant). Chez le mort l’absence d’ATP explique que la tête de myosine ne se décroche plus de l’actine, le sarcomère reste contracté indéfiniment, donc les cellules musculaires et le muscle dans son ensemble. Ils sont comme figés !

C’est un premier élément d’explication. Le deuxième c’est au niveau du réticulum sarcoplasmique. Il existe des canaux de fuite au calcium, donc toujours ouverts, et le calcium sort donc constamment du réticulum. Mais chez le vivant il est directement repompé par SERCA. Cette pompe utilisant de l’ATP, chez le mort le calcium fuite sans être repompé, jusqu’à atteindre une concentration suffisante dans le sarcoplasme pour démasquer les sites de liaison de la tête de myosine sur l’actine. Ainsi même en l’absence d’un stimulus nerveux, il y aura assez de calcium dans le sarcoplasme des cellules musculaires. La tête de myosine s’attachera à l’actine, pivotera en tirant l’actine vers le centre du sarcomère et ne se détachera plus jamais, car il n’y a pas d’ATP.

Ces 2 éléments ensemble rendent compte du phénomène de rigidité cadavérique.

Mais pourquoi cet état de rigidité n’apparaît pas directement et disparaît ensuite ?

Il n’apparaît pas directement le temps que les réserves d’ATP s’épuisent. Il disparaît ensuite quand la putréfaction commence, les protéines contractiles se dégradent et l’organisation du muscle aussi, il n’y a plus aucune cohésion dans le tissu permettant de conserver cet état de contraction apparente.

Voilà, j’espère que vous venez d’apprendre une nouvelle chose avec cette première partie.

Place aux exercices si vous le voulez bien ! (les corrections se situent en bas de page mais essayez vraiment avant d’aller les voir).

Exercices

Q.C.M (10 points) Dix questions. Une seule bonne réponse à chaque fois. Une bonne réponse rapporte 1 point, une absence ou une mauvaise réponse n’enlève aucun point. Aucune justification demandée.

1) Concernant le muscle squelettique :

A) Sa contraction est volontaire.

B) Sa contraction est involontaire.

C) Il ne présente pas de striations au microscope optique.

D) Aucune de ces réponses.

2) Concernant l’organisation du muscle squelettique :

A) L’épimysium entoure chaque fascicule.

B) Le périmysium entoure le muscle entier.

C) L’endomysium est retrouvé au sein de chaque fascicule.

D) L’endomysium est un tissu épithélial.

3) Concernant l’organisation de la fibre musculaire squelettique :

A) Une myofibrille est l’unité de base dans la contraction musculaire.

B) Le sarcomère est constitué d’une bande I et de 2 demi-bandes A.

C) La triade est constituée d’un tubule T et de deux citernes terminales de réticulum sarcoplasmique.

D) La ligne H est au centre de la bande M dans la bande A du sarcomère.

4) Concernant le potentiel seuil d’activation du canal sodique voltage-dépendant :

A) Il est toujours de -70mV.

B) Il est soit de +90mV ou +100mV.

C) Pour un neurone ayant un potentiel de repos de -60mV, une dépolarisation de 10mV suffira souvent à l’atteindre.

D) Il varie en fonction des concentrations en sodium de l’espace intracellulaire.

5) La technique expérimentale qui a permis de comprendre les phases du potentiel d’action :

A) porte le nom de current-clamp.

B) porte le nom de voltage-clamping.

C) permet d’imposer une valeur de potentiel membranaire à un neurone et mesurer les courants ioniques transitant à travers la membrane pour ce potentiel.

D) Aucune de ces réponses.

6) Après une longue période sans ATP :

A) Il n’y aurait plus de potassium à l’intérieur des cellules.

B) Il n’y aurait plus de flux net entrant de sodium dans les cellules.

C) Il y aurait mort cellulaire massive, responsable de l’arrêt de la rigidité cadavérique.

D) Aucune de ces réponses.

7) Nous imposons un potentiel membranaire de -100mV à un neurone, perméable au potassium. Sachant que la pile d’équilibre du potassium est de Ek=80mVEk = -80mV environ et que la formule permettant d’obtenir la valeur du courant ionique IXIX pour un ion X est IX=GX.(EmEX)IX = GX.(Em-EX) avec GXGX la conductance membranaire pour cet ion (toujours positive ou nulle), EmEm la valeur du potentiel de membrane et EXEX la valeur de la pile d’équilibre pour cet ion :

A) Le courant potassique serait de signe positif.

B) À -100mV le potassium aurait plutôt tendance à entrer dans la cellule selon son gradient électrochimique.

C) À -100mV le potassium aurait plutôt tendance à sortir de la cellule selon son gradient électrochimique.

D) À -100mV on observerait un courant sortant négatif de potassium.

8) Concernant le potentiel d’action :

A) L’entrée de sodium lors de la dépolarisation fait augmenter significativement la concentration intracellulaire de sodium.

B) C’est une entrée de calcium qui est responsable de la dépolarisation membranaire.

C) C’est une sortie de sodium qui est responsable de la repolarisation membranaire.

D) Il a toujours la même amplitude.

9) L’administration d’un antagoniste du récepteur nicotinique de l’acétylcholine :

A) bloque rapidement les fonctions respiratoires.

B) bloque rapidement les fonctions cardiaques.

C) bloque rapidement les fonctions musculaires au niveau intestinal.

D) Aucune de ces réponses.

10) Un neurone post-synaptique ayant un potentiel de repos de -70mV reçoit une information de deux autres neurones pré-synaptiques, notés neurones A et B. Le neurone A permet d’amorcer une dépolarisation de 9mV sur le neurone post-synaptique. Le neurone B engendre une hyperpolarisation de 4mV sur le neurone post-synaptique.

A) Un potentiel d’action sera déclenché au niveau de la zone gâchette du neurone post-synaptique.

B) Il y a une dépolarisation nette de +13mV sur la membrane du neurone post-synaptique.

C) Le neurone B permet d’amorcer un PPSE de 4mV sur le neurone post-synaptique.

D) La valeur du potentiel membranaire du neurone post-synaptique au niveau de la zone gâchette est de -65mV.

Questions courtes (10 points) 2 points par question, réponse courte attendue.

1) Le transport des ions calcium depuis le réticulum sarcoplasmique vers le sarcoplasme est-il un transport passif ou actif ? Indiquer s’il s’agit d’une diffusion facilitée ou simple, dans le cas d’un transport passif. Justifier brièvement.

2) Un potentiel post-synaptique a une amplitude égale à un potentiel d’action : vrai ou faux ? Justifier brièvement.

3) Citer les 3 sous-unités de la troponine et le rôle de la troponine C.

4) Quels sont les deux paramètres d’une fibre nerveuse qui renseignent sur la vitesse de conduction d’un message nerveux ?

5) Expliquer, très brièvement, le phénomène de rigidité cadavérique.

Correction

Q.C.M

1) Concernant le muscle squelettique :

A) Sa contraction est volontaire.

2) Concernant l’organisation du muscle squelettique :

C) L’endomysium est retrouvé au sein de chaque fascicule.

3) Concernant l’organisation de la fibre musculaire squelettique :

C) La triade est constituée d’un tubule T et de deux citernes terminales de réticulum sarcoplasmique.

Explication : ce n’était pas vu dans le cours mais la réponse pouvait se retrouver. Le terme "triade" renvoie à l’idée de "3 éléments", donc deux citernes terminales et un tubule T. De plus par élimination des autres réponses fausses la bonne réponse se retrouvait facilement. Lorsque le calcium passe du tubule T vers l’intérieur de la cellule cela active par couplage physique les Ryr1 situés sur les citernes terminales des réticulum. Ces triades sont situées au niveau des jonctions entre bandes A/I dans les sarcomères. Dans le coeur on parle de diade car on retrouve un tubule T et une seule citerne terminale de réticulum. Ces diades sont situées au niveau des stries Z et non des jonctions bandes A/I.

4) Concernant le potentiel seuil d’activation du canal sodique voltage-dépendant :

C) Pour un neurone ayant un potentiel de repos de -60mV, une dépolarisation de 10mV suffira souvent à l’atteindre.

Explication : le potentiel seuil d’activation du canal sodique voltage-dépendant est souvent de -50mV ou aux alentours. Si le potentiel de repos est de -60mV alors une dépolarisation de 10mV fera passer le potentiel membranaire à -50mV, juste assez pour ouvrir le canal sodique voltage-dépendant.

5) La technique expérimentale qui a permis de comprendre les phases du potentiel d’action :

C) permet d’imposer une valeur de potentiel membranaire à un neurone et mesurer les courants ioniques transitant à travers la membrane pour ce potentiel.

Explication : le current-clamp existe mais permet de mesurer le potentiel en courant imposé. Ce n’était pas l’objet de ce cours.

6) Après une longue période sans ATP :

B) Il n’y aurait plus de flux net entrant de sodium dans les cellules.

Explication : il y aurait toujours du potassium dans les cellules car le potassium sortirait seulement jusqu’à équilibre des concentrations de part et d’autre de la membrane, donc il ne sortirait pas en totalité de la cellule. Par contre le sodium ne pourrait plus globalement entrer dans les cellules, on aurait un flux net nul pour le sodium et le potassium. D’après l’équation de Nernst (non présentée dans ce cours) qui permet d’obtenir la valeur de la pile d’équilibre d’un ion, on aurait, avec les concentrations égales en sodium et potassium des deux côtés de la membrane :

ENa=RTzFln([Na+]e[Na+]i)=RTzFln(1)=0ENa = \frac{RT}{zF} ∗ ln(\frac{[Na+]e}{[Na+]i}) = \frac{RT}{zF} ∗ ln(1) = 0

La formule de la question 7 renseigne sur le sens du trajet de l’ion de part et d’autre de la membrane. Après une longue période sans ATP on enregistrerait un potentiel membranaire nul, ainsi Em=0mV et les piles d’équilibre pour les ions valant également 0mV alors la valeur des courants ioniques serait nulle également, indiquant un flux net nul pour tous les ions à l’équilibre (c’est-à-dire dont les concentrations ont été égalisées de part et d’autre de la membrane plasmique).

Sans ATP il n’y aurait pas mort cellulaire massive (prenant le nom d’apoptose). En effet ce phénomène nécessite de se dérouler dans des cellules encore vivantes, l’arrêt de la rigidité cadavérique ne s’explique pas par la mort des cellules musculaires mais par le début de la putréfaction du matériel biologique.

7) Nous imposons un potentiel membranaire de -100mV à un neurone, perméable au potassium. Sachant que la pile d’équilibre du potassium est de Ek = -80mV environ et que la formule permettant d’obtenir la valeur du courant ionique IX pour un ion X est IX = GX.(Em-EX) avec GX la conductance membranaire pour cet ion (toujours positive ou nulle), Em la valeur du potentiel de membrane et EX la valeur de la pile d’équilibre pour cet ion :

B) À -100mV le potassium aurait plutôt tendance à entrer dans la cellule selon son gradient électrochimique.

Explication : d’après l’énoncé le neurone est perméable au potassium, ce qui suggère que la conductance pour le potassium n’est pas nulle mais positive. Ainsi le signe de IX dépend uniquement de Em-EX, aussi appelé driving-force de l’ion X ou gradient électrochimique de l’ion X. On aurait EK = GK.(-100-(-80)) = -20GK, le courant potassique serait de signe négatif. Pour un cation un courant négatif est un courant entrant. Donc à -100mV le potassium aurait tendance à entrer dans la cellule selon son gradient électrochimique, contre toute attente. En effet il y a plus de potassium dans la cellule qu’à l’extérieur, le transport ne devrait pas être spontané mais rappelez-vous qu’un ion est une espèce chargée donc son transport ne dépend pas que des concentrations de part et d’autre de la membrane mais aussi de sa charge et donc de la valeur du potentiel membranaire. À -60mV le potassium sort mais à -100mV il a tendance à entrer dans la cellule ! Seulement dans les conditions physiologiques -100mV n’est jamais atteint.

8) Concernant le potentiel d’action :

D) Il a toujours la même amplitude.

Explication : un neurone répond à la loi du tout ou rien soit la stimulation est assez forte pour produire un potentiel d’action soit non. Le potentiel d’action a toujours une amplitude d’environ 100mV.

9) L’administration d’un antagoniste du récepteur nicotinique de l’acétylcholine :

A) bloque rapidement les fonctions respiratoires.

Explication : les récepteurs nicotiniques de l’acétylcholine se situent, mais pas seulement, sur les cellules musculaires striées squelettiques. Le coeur comporte des cellules musculaires striées cardiaques. L’intestin comporte des muscles lisses. Un tel antagoniste agit donc sur les muscles striés squelettiques comme les muscles respiratoires (diaphragme…).

10) Un neurone post-synaptique ayant un potentiel de repos de -70mV reçoit une information de deux autres neurones pré-synaptiques, notés neurones A et B. Le neurone A permet d’amorcer une dépolarisation de 9mV sur le neurone post-synaptique. Le neurone B engendre une hyperpolarisation de 4mV sur le neurone post-synaptique.

D) La valeur du potentiel membranaire du neurone post-synaptique au niveau de la zone gâchette est de -65mV.

Explication : le neurone A dépolarise légèrement le neurone post-synaptique, c’est donc un PPSE d’amplitude 9mV. Le neurone B hyperpolarise légèrement le neurone post-synaptique, c’est donc un PPSI d’amplitude 4mV. La sommation des deux signaux électriques donne donc un PPSE d’amplitude 5mV, ce qui amène la nouvelle valeur du potentiel membranaire du neurone post-synaptique à -65mV. Ce qui n’est pas assez pour atteindre le seuil d’activation des canaux sodiques voltage-dépendant dans la zone gâchette et donc déclencher le potentiel d’action.

Questions courtes

1) Le transport des ions calcium depuis le réticulum sarcoplasmique vers le sarcoplasme est-il un transport passif ou actif ? Indiquer s’il s’agit d’une diffusion facilitée ou simple, dans le cas d’un transport passif. Justifier brièvement.

Réponse : il s’agit d’un transport passif puisque le calcium est plus concentré à l’intérieur du réticulum sarcoplasmique que dans le sarcoplasme de la cellule musculaire. C’est un transport passif par diffusion facilitée, le calcium traversant à travers le canal calcique Ryr1 (ou Ryr2 selon les types cellulaires).

2) Un potentiel post-synaptique a une amplitude égale à un potentiel d’action : vrai ou faux ? Justifier brièvement.

Réponse : c’est faux. L’amplitude d’un potentiel d’action est de 100mV. Si c’était pareil pour celle d’un PPSE par exemple, on aurait toujours production de potentiels d’action dans le neurone post-synaptique. Ce n’est pas le cas.

3) Citer les 3 sous-unités de la troponine et le rôle de la troponine C.

Réponse : la troponine C, T et I.

Lors de la contraction musculaire, le calcium se lie à la troponine C et permet le déplacement du complexe troponine-tropomyosine qui inhibait l’interaction tête de myosine-actine.

4) Quels sont les deux paramètres d’une fibre nerveuse qui renseignent sur la vitesse de conduction d’un message nerveux ?

Réponse : le calibre de la fibre nerveuse et le degré de myélinisation. Plus la fibre est grosse et myélinisée plus le message nerveux se propagera rapidement le long de l’axone (propagation saltatoire du potentiel d’action, qui "saute" de noeuds de Ranvier en noeuds de Ranvier). Sur les fibres amyélinisées la propagation du potentiel d’action, plus lente, se fait de proche en proche.

5) Expliquer, très brièvement, le phénomène de rigidité cadavérique.

Réponse : à la mort plus d’ATP => le calcium sort du réticulum sarcoplasmique et n’est plus repompé vers le réticulum par SERCA => il s’accumule dans le sarcoplasme et provoque la contraction continue car il n’y a plus d’ATP pour décrocher ensuite les têtes de myosine de l’actine.


Sources de la partie :